Pieterjan, un artiste en manque d'inspiration, accepte l'invitation de la première Biennale d'art de Beerpoele au beau milieu de la campagne flamande. Mais bien vite, il découvre qu'en fait de résidences d'artistes, il s'agit d'une grande kermesse improvisée par Kristof, le gentil organisateur aux mains de géant...
De cet auteur belge de 26 ans seulement, nous avions déjà parlé lors de la parution des « Noceurs », chez Actes Sud Bd, il y a deux ans. Son style à l'aquarelle si personnel nous avait déjà bluffé.
L'action n'était pas facile à résumer, ici non plus. Une galerie de personnages évolue, avec un personnage clé, acteur et témoin –qui sert de révélateur- que l'on perd et retrouve parmi une foule de protagonistes. Ces personnages fantomatiques, décalés, presque translucides, sont paradoxalement d'une profonde humanité. L'auteur décrit ces artistes sans réel talent, maladroits, en marge, avec un grand respect.
Ce roman graphique n'est pas comme les autres : là où une multitude d'auteurs de bd se frottent à l'autofiction, en tombant souvent dans le piège de l'insignifiance du quotidien, Brecht Evens met une communauté en mouvement, observe les rapports humains avec une acuité fine et transcende le genre grâce à une esthétique singulière.
L'auteur invente des procédés graphiques qui permettent de mêler des conversations, sans bulle, sans case, simplement grâce à un jeu de formes et de couleurs. Ces procédés ne sont pas qu'une astuce de dessinateur, c'est une figure esthétique en soi, qui permet la compréhension, les nuances et développe la subtilité du récit comme la pluralité des émotions.
Les pleines pages sont magnifiques, complexes dans leur construction, simples dans leur appréhension : on reconnaît la technique des grands lorsqu'elle est cachée.
Il est essentiel, je pense, si l'on s'intéresse quelque peu au 9ème art (ou à l'art tout court), de prendre le temps d'au moins feuilleter quelques pages de cet ouvrage. Car l'on tient manifestement quelque chose de nouveau dans ses mains, et les yeux et le cœur ne s'y trompent pas.
Olivier