Quai d'Orsay, d'Abel Lanzac et Christophe Blain
Le jeune Arthur Vlaminck est embauché en tant que chargé du "langage" par le ministre des Affaires étrangères Alexandre Taillard de Worms. Le héros naïf se trouve bien vite plongé dans un monde surprenant, où tous les coups sont utilisés, où toutes les ruses sont nécessaires. On découvre à travers le regard d'Arthur le véritable héros de la bd, son employeur, qui ressemble beaucoup à un ex ministre des affaires étrangères (réel) : grand, les cheveux gris, le regard lointain, le ton impérieux... et grand ami de M. Sarkozy. Vous ne voyez toujours pas ? Et bien tant pis.
Le trait de Blain est comme toujours très expressif, il réussit à retranscrire à merveille les mouvements amples et énergiques du ministre, sans détails inutiles. M. Taillard de Worms s'y révèle exubérant, théâtral, ridicule et visionnaire à la fois. |
Les poses loufoques et les scènes cocasses se succèdent. On prend du plaisir à voir s'agiter les personnages de ce cabinet ministériel que l'on imagine bien loin de la réalité.
Et pourtant, dans une interview accordée aux Inrockuptibles en mai 2010, le dessinateur Christophe Blain expliquait :
"En substance, tout est vrai (rires). Comme Abel (Abel Lanzac, co-auteur de la bd, ancien membre de cabinets ministériels) ne pouvait évidemment pas dévoiler des secrets d'Etat, on a trouvé des choses équivalentes ou concentré des faits. Mais même quand c'est loufoque, même quand ça a l'air absurde ou énorme, cela reste très proche de la réalité."
Edifiant.
Nos autres bd (qui déchirent toutes) de Christophe Blain :
Les Noceurs
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Les Noceurs, de Brecht Evens
Bon, après « Quai d'orsay », vous allez me dire que nos sélections n'ont rien d'original : la bd que je vous présente ici a eu le prix de l'audace (sic) au festival bd d'Angoulême. Ne me demandez pas en quoi consiste exactement ce prix, c'est comme à Cannes : on en fait pour tous, afin de ne vexer personne ?Bref, je n'ai volontairement pas lu toutes les critiques qui ont suivi l'obtention du prix par l'auteur belge, afin de livrer mes impressions sans trop user de paraphrase (quoi ? qui a dit que c'était plutôt par paresse ?!). Je ne sais même pas si l'auteur est une fille ou un garçon, d'ailleurs on s'en f*** (censure --> fonctionnaire).
Alors voilà : cette bande dessinée est magnifique. « L'audace » dont on vous parle se situe sans aucun doute dans le graphisme : les figures colorées s'effacent ou s'activent, s'entremêlent dans une même aventure.Les histoires narrées sont ordinaires, elles sont aussi universelles. C'est une parabole contemporaine ; la solitude, l'être-monde, l'amitié, la fête. Il y a tout ça dans cette œuvre à l'aquarelle, goûtez-y.
Nietzsche
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Nietzsche : se créer liberté, Michel Onfray / Le Roy Maximilien
J'ai lu « le crépuscule des idoles » à 28 ans. Et alors ?!
Bon, aujourd'hui j'ai 29 ans, et c'est Michel Onfray - vous savez, l'amoureux refoulé de Sigmund Freud - qui m'a fait découvrir le philosophe, grâce à son petit livre « la sagesse tragique ».
Lyrique s'il en est, cet ouvrage possède la qualité de l'auteur : il est passionné (à défaut d'être tout le temps passionnant).Mais c'est d'une bd dont il est question ici, dessinée d'une main de maître par Maximilien Le Roy. J'avoue avoir eu un peu peur lorsque j'ai pris connaissance du projet. La mode est à l'adaptation bd des grands textes, et autant vous le dire tout de suite : c'est souvent raté.
On évite ici la reprise du texte et, si elle cite bien sûr le philosophe, la bd s'attarde plutôt sur sa vie, ses pensées en marche et sa maladie.
On perçoit une volonté de réhabilitation du penseur controversé dans cette histoire, qui nous explique par exemple que Nietzsche n'était évidemment pas antisémite, et plus que cela, il haïssait les antisémites.
On y apprend également (je parle en mon nom !) que la sœur de Nietzsche est à l'origine d'une manipulation odieuse des textes du frère, qui donnera lieu par la suite à beaucoup de commentaires enflammés à son encontre, commentaires que l'on peut encore retrouver actuellement dans certains essais.