A la demande d’un tiers de Mathilde Forget
"La folie n'est pas donnée à tout le monde. Pourtant j'avais essayé de toutes mes forces." C'est le genre de fille qui ne réussit jamais à pleurer quand on l'attend. Elle est obsédée par Bambi, ce personnage larmoyant qu'elle voudrait tant détester. Et elle éprouve une fascination immodérée pour les requins qu'elle va régulièrement observer à l'aquarium. Mais la narratrice et la fille avec qui elle veut vieillir ont rompu. Elle a aussi dû faire interner sa sœur Suzanne en hôpital psychiatrique. Définitivement atteinte du syndrome du cœur brisé, elle se décide à en savoir plus sur sa mère, qui s'est suicidée lorsqu'elle et Suzanne étaient encore enfants. Elle retourne sur les lieux, la plus haute tour du château touristique d'où sa mère s'est jetée. Elle interroge la famille, les psychiatres. Aucun d'eux ne porte le même diagnostic. Quant aux causes : "Ce n'est pas important de les savoir ces choses-là, vous ne pensez pas ?"
Ce premier roman est une petite pépite. Je n’aurais jamais pensé pouvoir éclater de rire en lisant un livre dont l’intrigue de base est tout de même constituée : d’un suicide maternel, d’une hospitalisation psychiatrique sororale, et d’un chagrin d’amour. Et pourtant !
La langue est fluide, et Mathilde Forget – par ailleurs auteure-compositrice-interprète - manie les mots et l’humour noir, et redonne un peu de sens à l’absurdité de ce monde. Face au silence entourant le décès de sa mère, la narratrice ne manque pas d’originalité, et l’on sent derrière le désespoir ce besoin criant de maintenir la tête hors de l’eau –et des requins.
Subtil, drôle, émouvant… Et qui a le mérite de nous questionner sur notre prise en charge des troubles psychiatriques aujourd’hui encore.
Audrey