Ma rentrée littéraire fût un peu tardive mais fort agréable.
Après avoir lu « l'extension du domaine de la lutte », que j'avais beaucoup aimé, je n'ai plus rien lu de lui jusqu'à « La Carte et le territoire ». Les polémiques à son encontre me fatiguaient et me fatiguent encore (c'est vous dire si je suis fatigué).
Je me suis dit : « ok, je lirai ses livres quand la fièvre sera retombée », une autre façon de dire « demain peut-être ».
Bon, la fièvre n'est jamais vraiment retombée, je me suis tout de même lancé pour son dernier ouvrage. Je n'ai pas été déçu. J'ai même été très agréablement surpris. J'ai même été subjugué. Si si.
Dans ce roman-monde (ou roman-France plutôt), comme ils disent, Michel Houellebecq parle de son époque avec une lucidité, une poésie presque mécanique. Il s'est débarrassé de quelques tics inutiles, ne reste plus que l'intelligence du verbe.
Toujours aussi nonchalant et presque résigné, le personnage principal observe le monde comme un témoin impassible qui pourtant enregistre, devient même acteur pour mettre en lumière ses impulsions, soudaines jusqu'à finalement subir le monde, comme un élément, comme un végétal.
Enfin, simplement pour participer aux polémiques sur l'auteur, un petit conseil:
lisez-le, ne l'écoutez pas
Suite(s) impériale(s)
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Cachez ce monde que je ne saurais voir...
Je n'avais pas lu Ellis depuis American Psycho, et je ne songeais pas qu'il évoluerait aussi bien. L'auteur de "Lunar Park" écrit de mieux en mieux dans un style qui lui est définitivement propre. Beau, dur et froid comme une crosse de revolver, le roman nous plonge dans un L.A. rempli de zombies, de fantômes élégants.
Le personnage principal, Clay, est le même homme que dans « moins que zéro », 25 ans après. Ses orgies dans toutes les fêtes de la ville ont laissé place à des errances dans d'autres fêtes, celles du show-bizness, où les personnes qu'il croise n'existent qu'à travers leur apparence et leur hypocrisie.
Roman noir et thriller 2.0 par un moraliste (dans le meilleur sens du terme, genre XIXème siècle) qui devient complètement incontournable si l'on veut, à défaut de comprendre, regarder en face les années 2000. Indignation
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Après la voix du vieil homme, la voix d'outre-tombe
Phlip Roth, je le lis depuis "La tâche" et c'est à chaque fois avec beaucoup de plaisir. Son dernier roman est de facture très classique, comme à son habitude, mais très intéressant et très bien écrit.
Indignation retrace, par la voix de son personnage principal, la courte vie d'un jeune homme du New-Jersey, Marcus Messner. Il quitte l'école de Newark pour le Winesburg College, au fin fond de l'Ohio, afin d'échapper au changement soudain de son père, boucher juif, qui devient ultra protecteur et craint constamment que quelque chose arrive à son fils.
Le héros va servir de témoin à Roth, qui va décrypter la société américaine des années 50, plongée en pleine guerre de Corée. Brillant et sobre, l'auteur signe un livre court qu'il est impossible de refermer une fois la lecture commencée, tant son style irradie l'œuvre d'un charme certain, pourtant si discret.Si Houellebecq et Roth ne sont pas des formalistes, la forme n'est pas secondaire dans leur œuvre, elle est au service du fond, dans un profond respect du lecteur et de l'intelligibilité du texte.
C'est là le prodige des grands, travailler la phrase jusqu'à l'os, puis cacher leurs outils : du grand art.
Olivier