Retour à Reims, de Didier Eribon
Après la mort de son père, le sociologue Didier Eribon retrouve son milieu d'origine et se plonge dans son passé. Dans ce livre, il évoque le monde ouvrier de son enfance, restitue son parcours, son ascension sociale et une réflexion sur les classes, le système scolaire, la fabrication des identités.
C'est un lecteur (ou une lectrice ?) qui nous a conseillé d'acheter cet ouvrage. Je l'ai lu par hasard. C'est ce que j'ai lu de plus intéressant, de plus émouvant depuis de nombreuses années. Car tout était fait pour tomber dans le pathos. Mais Didier Eribon fait un pas de côté, et prend la distance nécessaire à ce genre d'entreprise, grâce à la médiation salvatrice de la littérature, de la philosophie et de la sociologie.
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L'œuvre est puissante car elle mêle ces différentes disciplines à la narration d'une trajectoire subjective, qui relève de l'intime. C'est pourquoi le ton est distancié mais sincère. Seules les dernières pages laissent entrevoir la difficulté qui a dû être la sienne pour revenir sur ce passé douloureux, pour en extraire ce qui est universalisable : le destin d'un homme marqué par ses origines, sa sexualité dans une société de classe impitoyable, aux mécanismes de domination multiples, toujours aussi efficaces aujourd'hui. |
Bourdieu disait de ces mécanismes qu'ils devenaient insupportables dès lors qu'ils étaient visibles. Il avait raison, on ferme ce livre révolté, avec l'envie de se battre, même si les déterminismes sociaux enserrent nos existences. On garde alors à l'esprit, comme le fait l'auteur du livre, cette phrase de Sartre dans son livre sur Genet : « l'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous ».
Olivier
Bonus : Didier Eribon chez Taddeï, dans l'émission "Ce soir ou jamais" :