Botaniste clermontois, Henri Lecoq fut le directeur du Muséum d’Histoire naturelle qui porte aujourd’hui son nom. Outre ses travaux sur la classification les plantes, notamment les plantes fourragères, on lui doit l’étude sur la formation géologique de l’Auvergne et la formation des glaciers. De nombreux articles publiés dans des revues scientifiques témoignent de son enthousiasme à décrire la nature auvergnate.
« Les environs de Riom ne sont pas moins riches que ceux de Clermont en sites pittoresques, et l’on peut citer les rochers d’Enval comme un des lieux les plus dignes d’être visités.
Nous partîmes de Clermont le 21 mai 1832, pour faire cette promenade, et nous nous rendîmes directement à Riom. La matinée annonçait une belle journée de printemps, et nous nous décidâmes à aller visiter le village et les eaux minérales de Châtel-Guyon, avant de nous rendre à Enval. (…)
(…) Nous abandonnâmes notre vallée, qui était alors rétrécie par des rochers de granite, pour suivre le chemin qui conduisait à Enval ; nous laissâmes à droite le hameau de Sous-Marchaix, et nous atteignîmes en peu de temps les vignes qui environnent le village, et les noyers qui l’ombragent. On est alors très-rapproché de hautes montagnes granitiques très-escarpées, d’où sort un cours d’eau que l’on désigne sous le nom de ruisseau d’Ambène ; on le traverse sur un petit pont de bois, à la sortie du village, et l’on voit, en remontant son cours, un des points les plus sauvages de l’Auvergne.
Les habitants ont donné le nom de Bout du monde au profond ravin dans lequel nous venions d’entrer. De grands arbres, parmi lesquels dominait le noyer, croissaient sur les débris de rocher que les eaux y avaient amoncelés, et qu’arrosaient encore quelques sources minérales ferrugineuses. (…)
(…) Une circonstance vint encore augmenter la grandeur du spectacle que nous avions sous les yeux. Une pluie douce qui succédait à une longue sécheresse, humectait depuis quelques heures les feuilles des arbrisseaux, ainsi que les fleurs, qui cherchaient dans les fissures des rochers une humidité qui n’existait plus, et la teinte sombre des rochers contrastait avec les couleurs vives que la végétation venait d’acquérir.
Aucune issue ne paraissait devant nous ; de grandes masses de granite s’élevaient verticalement, et des nuages blanchâtres qui flottaient sur nos têtes, cachaient la cime des montagnes, comme les blocs entassés sur lesquels nous marchions, avaient fait disparaître le sol primitif de la vallée. Nous continuâmes à avancer sur ces débris jusqu’au point où nous pensions être arrêtés par l’escarpement du rocher ; mais le bruit lointain du ruisseau qui coulait à nos pieds, nous faisait soupçonner l’existence d’un ravin dont la vue nous était tout à fait cachée. (…)
(…) La chute d’eau était produite par un large morceau de granite tombé en travers du ravin, d’où l’eau formait une chute de vingt pieds, et coulait ensuite sur des mousses d’un vert sombre. C’est surtout à ce lieu que convient le nom de Bout du monde. Il est difficile de se figurer un endroit plus resserré, plus profond et aussi complètement encaissé au milieu de pyramides de rochers. Les nuages qui s’écartaient de temps en temps, nous permettaient de voir les grands escarpements qui nous entouraient. Nous distinguâmes un berger et un troupeau de moutons qui paraissaient suspendus sur nos têtes, et qui n’avaient pu arriver au sommet de cette montagne, que par le côté opposé à celui où nous nous trouvions. (…) »
Extraits de « Promenade aux environs de Riom » par M. Lecoq, In « Annales scientifiques, littéraires et industrielles de l’Auvergne » Tome cinquième, 1832, Chez Thibaud-Landriot, Libraire-Editeur, pp. 212-223. Cote AUV A 1066.