Nous sommes certainement nombreux à avoir une vision « moyenâgeuse » du Moyen Âge, période historique la plus identifiable de notre longue frise chronologique.
Notre imaginaire a hérité des leçons d’école, des livres, des films (ah, les Visiteurs, Thierry la Fronde, etc.) qui ont nourris la légende noire du Moyen Âge. Une période sombre, archaïque et barbare, réputée pour ses guerres sans fin, le raffinement de ses tortures, ses seigneurs et ses cathédrales, la peste et ses paysans crasseux. Très loin de nos idéaux sociaux et politiques actuels.
Il faut rappeler que cette période couvre environ 10 siècles de notre histoire soit environ 40 générations d’hommes, quand même.
Traditionnellement, les historiens font courir le Moyen Âge de 476, la chute de l’Empire romain d’Occident (Haut Moyen Âge ou Antiquité tardive) à 1492, arrivée de Christophe Colomb en Amérique (Bas Moyen Âge et début de la Renaissance).
Ces 1000 ans de notre passé ne seraient donc qu’une pause dans la marche de l’Histoire, homogène, sans progrès ni avancées ? Eh bien, disons le tout net : non. Évidemment.
Alors, d’où vient cette vision commune du Moyen Âge ?
Je ne me lancerai pas dans des explications que je maîtriserai mal, ce dossier vous renverra vers de meilleures sources, mais disons que les principaux forgerons de la légende sont à chercher du côté des Humanistes. Au XVIeme siècle, une nouvelle génération d’intellectuels et d’artistes se positionnent en rupture avec leur époque. Ils admirent l’Antiquité gréco-romaine et ses modes de pensée, rejettent cet « âge moyen » marqué par la puissance de l’Église et revendiquent l’homme comme seul maître de son destin. La rupture est consommée et le mythe est lancé.
Il n’est pas si facile de « découper l’histoire en tranches » et la linéarité n’existe pas en Histoire. Depuis plusieurs années, les historiens médiévistes s’acharnent à réhabiliter le Moyen Âge et le défaire de sa mauvaise réputation. Jacques Le Goff (1924-2014), éminent historien, a fait partie des premiers à réinterroger cette époque. Il plaide pour un « Moyen Âge novateur, effrayé par les millénarismes et pourtant largement porté par l'espoir ».
Pour un autre Moyen-Âge : Entretien filmé avec Jacques Le Goff en 1992
Et un entretien avec le magazine le Point en 2011
Par bien des aspects le Moyen Âge était bien plus avancé que l’époque Moderne qui lui succède. J’ai récemment découvert le blog Actuel Moyen Âge qui d’article en article s’attache à casser les idées reçues. Le site est alimenté par de jeunes médiévistes, très bons vulgarisateurs du savoir universitaire dans un langage accessible.
« Le Moyen Âge a inventé les pires tortures et institué les pires inégalités ». Eh bien non. Jetez un œil du côté de l’Empire romain, vous verrez.
« Les gens étaient sales avec des dents pourries ». Eh bien non, l’eau et les bains publics étaient plébiscités même par les fameux paysans et nos ancêtres ne connaissant pas les sucres raffinés avaient une bien meilleure dentition que la nôtre.
Voici un article sur la question, avec une recette de dentifrice écolo par la mère Hildegarde :
Je vous conseille aussi la série de 4 podcasts à écouter sur le site de France culture : Moyen Âge superstar :
Le Moyen Âge est aussi une période féconde pour l’histoire de l’art. Musée de Cluny, musée national du Moyen Âge :
Vous pourrez notamment découvrir la magnifique tenture de La Dame à la Licorne, car oui, pour achever de vous convaincre, il y avait encore des licornes au Moyen Âge.
Et pour savoir pourquoi et comment elles ont disparu c’est ici.
Et enfin, une sélection de documents, disponibles à la Médiathèque ou dans le réseau
Et si vous êtes particulièrement friands de romans historiques je vous renvoie vers le dossier documentaire de mon collègue Olivier sur cette question
Christelle