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Avant que j’oublie / Anne Pauly – 2019 – Editions du Verdier

Il y a d'un côté le colosse unijambiste et alcoolique, et tout ce qui va avec : violence conjugale, comportement irrationnel, tragi-comédie du quotidien, un "gros déglingo", dit sa fille, un vrai punk avant l'heure. Il y a de l'autre le lecteur autodidacte de spiritualité orientale, à la sensibilité artistique empêchée, déposant chaque soir un tendre baiser sur le portrait pixellisé de feu son épouse. Mon père, dit sa fille, qu'elle seule semble voir sous les apparences du premier. Il y a enfin une maison, à Carrières-sous-Poissy, et un monde anciennement rural et ouvrier. De cette maison il faut bien faire quelque chose, à la mort de ce père Janus. Capharnaüm invraisemblable, caverne d'Ali-Baba, la maison délabrée devient un réseau infini de signes et de souvenirs pour sa fille, la narratrice, qui décide de trier méthodiquement ses affaires. Et puis, un jour, comme venue du passé et parlant d'outre-tombe, une lettre arrive qui dit toute la vérité sur ce père aimé auquel, malgré la distance sociale, sa fille ressemble tant.

Nommé à de nombreux et prestigieux prix littéraires fin 2019, prix – entre autres –  du livre Inter 2020 j’étais attirée et effrayée par le sujet, le deuil du père, de ce court premier roman de Anne Pauly.

J’en repoussais la lecture. Par méfiance envers ces ouvrages qui semblent faire l’unanimité et qui peuvent décevoir ou parce que la mort récente de mon propre père m’en empêchait ?

Et puis, un soir d’été alors que l’ambiance était plutôt à la légèreté, j’ai enfin ouvert ce livre et son magnétisme a agi, brutalement. Cette voix très personnelle et cette émotion tellement intime décrite sans fard ont généré des sentiments très contradictoires, entre impression de voyeurisme et empathie totale.

L’agencement des mots claque, choque, fascine, ils sont pleins d’énergie, d’amour, de ressentiment, de doute, de douleur, de chagrin. Ceux d’une femme mais aussi ceux de la petite fille qu’elle a été.

Les souvenirs d’avant, le récit de la mort, celui des préparatifs et des funérailles puis l’inventaire des objets de la maison à vider sont entremêlés et se font écho.

Au cours du roman, parfois l’eau dans les yeux a interrompu momentanément ma lecture, d’autres fois un rire a été salvateur. Oui, certaines phases et phrases dans ces  souvenirs prêtent à rire, certaines situations sont ridicules et l’humour soulage de toute cette tension. 

Je n’oublierai pas ce texte, très fort, avec un effet cathartique puissant.

Cet ouvrage a reçu le prix du Livre Inter 2020, le prix Envoyé par la Poste 2019, le prix Summer 2020 et le prix À livre ou verre des librairies Mémoire 7 à Clamart et Le Point de coté à Suresnes.

Nommé au Prix Goncourt, au Prix Goncourt des Lycéens, au Prix Wepler et au Prix Fémina 2019

Hélène

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Alliances de Jean Marc Ligny

Herbe bleue Arbres jaunes La centrale nucléaire fuit Sur une Terre dont le climat a radicalement changé suite à l'emballement du réchauffement climatique, des oasis et des microclimats locaux ont permis à la vie de s'abriter, voire de se développer. Mais quelle place pour l'homme dans un tel écosystème, face à l'émergence probable d'une nouvelle espèce dominante sur la planète ? Il pourrait y avoir des alliances inédites à passer. Tikaani, l'Inuit, parti d'Islande à bord d'un avion solaire, Ophélie, la guérisseuse tapie dans sa jungle au Canada, Denn et Nao, qui ont quitté leur tribu cavernicole du désert qu'est devenue la Californie : tous sont à la recherche de survivants, certains rêvent de redonner sa place à l'humanité. Mais ils vont apprendre que ce qui reste des hommes peut encore nuire à la planète...

Au-delà des clichés et des facilités du genres, un regard nouveau sur ce que pourrait être le monde.

Un monde où les rares humains survivant ont le choix entre persister dans leurs anciens modèles prédateurs et destructeurs, ou collaborer avec d'autres espèces.

Accepter leur suprématie.

Décentrer l'humanité.

Et si ce livre ne parlait pas d'après la fin du monde mais de notre époque ? Et s'il était encore temps ?

Bérénice

Les Optimistes

Les optimistes de Rebecca Makkai

A Chicago, dans les années 1980, au coeur du quartier de Boystown, Yale Tishman et sa bande d'amis - artistes, activistes, journalistes ou professeurs... - vivent la vie libre qu'ils s'étaient toujours imaginée. Lorsque l'épidémie du sida frappe leur communauté, les rapports changent, les liens se brouillent et se transforment. Peu à peu, tout s'effondre autour de Yale, et il ne lui reste plus que Fiona, la petite soeur de son meilleur ami Nico. Révélant un immense talent, Rebecca Makkai brosse le sublime portrait de personnages brisés qui, au milieu du chaos, n'auront pourtant de cesse de trouver la beauté et l'espoir.

Il y a un avant et un après Sida.

Rebecca Makkai dans » Les optimistes », à l’instar d’A. Maupin dans les « Chroniques de San Francisco » ou d’A. Abbott dans « Fairyland », nous dresse un portrait des derniers instants d’une communauté joyeuse et insouciante qui basculera rapidement dans la terreur et l’inconnu de ce VIH.

L’auteure reste néanmoins optimiste et arrive à tirer ses personnages vers une lumière libératrice.

Un livre poignant.

L.

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Saltiness, FURUYA Minoru

Takehiko a 31 ans, et il croit qu'il est über-cool ! Il se fiche de tout, se croit inébranlable. Une pluie de crottes pourrait lui tomber dessus qu'il resterait là, debout, infaillible. Il profite de la vie, ainsi, en n'en branlant pas une. Pourtant un jour, son grand-père fatigué de son comportement nonchalant, lui donne un véritable électrochoc : tant qu'il ne s'émancipera pas, il sera un fardeau, pire, un parasite, pour sa petite sœur adorée. Profondément choqué, le jeune homme quitte le domicile avec pour objectif de « tuer le monstre ». Mais comment faire quand les seuls qui acceptent d’interagir avec vous sont les chiens et les chats errants ? De rencontres improbables en délires cyniques, Takehiko finira peut-être par trouver sa place dans ce monde…

Publiés dans la collection « WTF ?!» (aka plus ou moins « Qu’est-ce que c’est que ça ?! »), cette série en seulement 4 tomes illustre parfaitement cette interrogation ! On y suit les pérégrinations d’un anti-héros complètement bizarre et socialement inadapté, qui décide de prendre son autonomie en main et de s’éloigner de sa famille pour vivre sa vie. Malgré son cynisme et son absence de filtres qui peuvent le rendre - très souvent - agaçant, nous apprendrons au fil des tomes à dérouler le fil de son histoire personnelle et même à ressentir un peu d’empathie pour cet être hors-norme. Pour ne rien gâcher, les dessins sont admirables de réalisme.

A lire si l’on ne craint ni la grossièreté, ni les situations ubuesques.

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Audrey

cavaliers

Les Cavaliers de l'apocadispe / Libon

Trois cavaliers sans peur (sauf pour un) et sans reproche (sauf pour le même) partageant le même objectif : s'amuser le plus possible en se faisant gronder le moins possible. Et pour cela, ils peuvent compter sur leur imagination, leur détermination et une bonne part de malchance ! Aucun commun des mortels ne survivrait longtemps dans les aventures des cavaliers de l'apocadispe qui se prennent régulièrement des gamelles mémorables ! Ca commence par un simple cours en classe, une visite au musée, une balade en forêt ou un voyage en car... et tout devient très vite hors contrôle !

Suivez Olive, Jé et Ludo, trois héros décalés dans des aventures absurdes et hilarantes. Un très bon moment de lecture en perspective !

E.

lune 1

Et la lune, là-haut de Muriel Zürcher                   

Alistair est un génie. Derrière son écran, il a appris les mathématiques, la planétologie, la science des matériaux et même à décrypter les émotions des gens.

Mais s’il veut un jour aller sur la lune, il faudrait qu’il commence par sortir de son appartement.

Une aventure contemporaine légère avec des thématiques d’aujourd’hui (internet, sans-papier, mère isolée, autisme) qui nous fait cavaler sur la piste de décollage.

A partir de 10 ans

Johanne

annie

Ecrire la vie, Annie Ernaux

« Écrire la vie. Non pas ma vie, ni sa vie, ni même une vie. La vie, avec ses contenus qui sont les mêmes pour tous mais que l'on éprouve de façon individuelle : le corps, l'éducation, l'appartenance et la condition sexuelles, la trajectoire sociale, l'existence des autres, la maladie, le deuil. Je n'ai pas cherché à m'écrire, à faire œuvre de ma vie : je me suis servie d'elle, des événements, généralement ordinaires, qui l'ont traversée, des situations et des sentiments qu'il m'a été donné de connaître, comme d'une matière à explorer pour saisir et mettre au jour quelque chose de l'ordre d'une vérité sensible. »

Contient : Les armoires vides. - La honte. - L'événement. - La Femme gelée. - La place. - Journal du dehors. - Une femme. - Je ne suis pas sortie de ma nuit. - Passion simple. - Se perdre. - L'occupation. - Les années.

Ce recueil de douze romans autobiographiques d’Annie Ernaux reflète à merveille l’univers de l’auteure. On se régale de la petite vie sans prétention d’un café-épicerie familial, de la vie rurale et sociale des années 50, mais aussi des questionnements existentiels. On y suit l’itinéraire d’une vie de femme, entre enfance insouciante, désir d’ascension sociale, découverte de l’amour et du féminisme, évènements tragiques (la lecture de « L’Evènement » justement a été une claque : à lire et faire lire autant que possible), vieillissement... Tout y est, décrit avec simplicité et recul.  Annie Ernaux est une incontournable : à (re)découvrir d’urgence !

A.

A écouter, un podcast de Mathilde Forget (auteur du roman « A la demande d’un tiers ») dans le cadre des Correspondances de Manosque, et autour d’Annie Ernaux.

bonne nuit 1

Bonne nuit le monde de Sachie Hattori

Le rituel du coucher est le point de départ de ce nouveau voyage onirique proposé par Sachie Hattori. On retrouve avec plaisir cet univers enfantin de ribambelles de bébés en pyjamas dans des couleurs chatoyantes, qui proposent un voyage à la rencontre de tous : famille, amis, animaux, plantes. Tout l'univers va passer une excellente nuit à commencer par le petit lecteur.

A la manière de Noëlle Herrenschmidt ou de Lucile Butel dans les Pomme d'Api des années 1970, Sachie Hattori nous offre un album doux, simple, coloré et plein de rêve. Magnifique.

Lulu