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Ecrire la vie, Annie Ernaux

« Écrire la vie. Non pas ma vie, ni sa vie, ni même une vie. La vie, avec ses contenus qui sont les mêmes pour tous mais que l'on éprouve de façon individuelle : le corps, l'éducation, l'appartenance et la condition sexuelles, la trajectoire sociale, l'existence des autres, la maladie, le deuil. Je n'ai pas cherché à m'écrire, à faire œuvre de ma vie : je me suis servie d'elle, des événements, généralement ordinaires, qui l'ont traversée, des situations et des sentiments qu'il m'a été donné de connaître, comme d'une matière à explorer pour saisir et mettre au jour quelque chose de l'ordre d'une vérité sensible. »

Contient : Les armoires vides. - La honte. - L'événement. - La Femme gelée. - La place. - Journal du dehors. - Une femme. - Je ne suis pas sortie de ma nuit. - Passion simple. - Se perdre. - L'occupation. - Les années.

Ce recueil de douze romans autobiographiques d’Annie Ernaux reflète à merveille l’univers de l’auteure. On se régale de la petite vie sans prétention d’un café-épicerie familial, de la vie rurale et sociale des années 50, mais aussi des questionnements existentiels. On y suit l’itinéraire d’une vie de femme, entre enfance insouciante, désir d’ascension sociale, découverte de l’amour et du féminisme, évènements tragiques (la lecture de « L’Evènement » justement a été une claque : à lire et faire lire autant que possible), vieillissement... Tout y est, décrit avec simplicité et recul.  Annie Ernaux est une incontournable : à (re)découvrir d’urgence !

A.

A écouter, un podcast de Mathilde Forget (auteur du roman « A la demande d’un tiers ») dans le cadre des Correspondances de Manosque, et autour d’Annie Ernaux.

bonne nuit 1

Bonne nuit le monde de Sachie Hattori

Le rituel du coucher est le point de départ de ce nouveau voyage onirique proposé par Sachie Hattori. On retrouve avec plaisir cet univers enfantin de ribambelles de bébés en pyjamas dans des couleurs chatoyantes, qui proposent un voyage à la rencontre de tous : famille, amis, animaux, plantes. Tout l'univers va passer une excellente nuit à commencer par le petit lecteur.

A la manière de Noëlle Herrenschmidt ou de Lucile Butel dans les Pomme d'Api des années 1970, Sachie Hattori nous offre un album doux, simple, coloré et plein de rêve. Magnifique.

Lulu

 

le petit garçon

Le Petit garçon qui voulait être Mary Poppins d'Alejandro Palomas       

Guille a neuf ans et plus tard, il veut être Mary Poppins. Cela inquiète son professeur qui le confie à une conseillère d’orientation. Grâce à elle, nous accédons à l’univers magique de Gille.

Je me suis laissée embarquer, comme dans une enquête policière, dans les méandres intérieurs de cet enfant que quelque chose empêche d’être parmi les vivants.

Un roman polyphonique aux personnages attachants et au rythme haletant que je conseille aux adolescents comme aux adultes.

Johanne

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Saltiness, FURUYA Minoru

Takehiko a 31 ans, et il croit qu'il est über-cool ! Il se fiche de tout, se croit inébranlable. Une pluie de crottes pourrait lui tomber dessus qu'il resterait là, debout, infaillible. Il profite de la vie, ainsi, en n'en branlant pas une. Pourtant un jour, son grand-père fatigué de son comportement nonchalant, lui donne un véritable électrochoc : tant qu'il ne s'émancipera pas, il sera un fardeau, pire, un parasite, pour sa petite sœur adorée. Profondément choqué, le jeune homme quitte le domicile avec pour objectif de « tuer le monstre ». Mais comment faire quand les seuls qui acceptent d’interagir avec vous sont les chiens et les chats errants ? De rencontres improbables en délires cyniques, Takehiko finira peut-être par trouver sa place dans ce monde…

Publiés dans la collection « WTF ?!» (aka plus ou moins « Qu’est-ce que c’est que ça ?! »), cette série en seulement 4 tomes illustre parfaitement cette interrogation ! On y suit les pérégrinations d’un anti-héros complètement bizarre et socialement inadapté, qui décide de prendre son autonomie en main et de s’éloigner de sa famille pour vivre sa vie. Malgré son cynisme et son absence de filtres qui peuvent le rendre - très souvent - agaçant, nous apprendrons au fil des tomes à dérouler le fil de son histoire personnelle et même à ressentir un peu d’empathie pour cet être hors-norme. Pour ne rien gâcher, les dessins sont admirables de réalisme.

A lire si l’on ne craint ni la grossièreté, ni les situations ubuesques.

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Audrey

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Avant que les ombres s’effacent, Louis-Philippe Dalembert

1939, l’État haïtien vote un décret-loi autorisant ses consulats à délivrer passeports et sauf-conduits à tous les Juifs persécutés qui en feraient la demande. Devenu un médecin réputé et le patriarche de trois générations d'Haïtiens, le docteur Schwarzberg a tiré un trait sur son passé dont la trajectoire a été brisée par le nazisme. Mais quand Haïti est frappé par le séisme de janvier 2010 et que sa petite-cousine Deborah accourt d'Israël avec les médecins du monde entier, il accepte de revenir sur son histoire et déroule la formidable épopée qui l'a conduit, avec sa famille, de la Pologne à Port-au-Prince. Une saga familiale tumultueuse, menée par une plume vive et pleine d'humour, mêlant la tragédie et la comédie, qui nous fait vivre les mille et une péripéties traversées par la tribu Schwarzberg.

Fresque familiale et historique, ce roman nous fait voyager dans le temps et sur les continents… Je l’ai ouvert d’une moue dubitative, les lectures historiques n’étant pas mes favorites, et ne m’étant jamais intéressée à l’histoire d’Haïti non plus. Ce fut une révélation ! La langue est belle et fluide à la fois, et l’histoire de Ruben m’a tenue en haleine. Les personnages – fictifs - qui composent sa famille, croisent des personnages réels ayant contribué à la grande Histoire. De la Pologne en Haïti, en passant par l’Allemagne et la France, j’en ai appris beaucoup sur la culture haïtienne et ce que cette civilisation a fait pour les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Une excellente découverte, j’ai hâte de lire d’autres romans de Louis-Philippe Dalembert, également auteur de nouvelles et de poésie.

Audrey

endroit du paradis
 
L’endroit du paradis
Clement Rosset
 
Les philosophes parlent peu du bonheur, ou en mal. Il a mauvaise réputation. Loin des exhortations euphoriques et bisounours du développement personnel, la philosophie laisse le confort et la tiédeur du bonheur aux marchands de satisfaction matérielle voire aux vendeurs de céréales de petit déjeuner. Telle Héraclès à la croisée des routes, elle valorise plus volontiers la douloureuse prise de conscience (celle qu’il n’existe de réponse à rien, par exemple) ou l’aridité d’une pensée tortueuse (plus c’est compliqué mieux ça élève l’esprit). Le tout d’un air légèrement solennel et imbu.
 
C’est pourquoi j’ai trouvé un bol d’air salutaire à lire ce petit livre : trois méditations qui font du bien sur le moment (lecture rapide garantie) et sur le long terme (quand on a l’impression d’en être devenu légèrement plus fort, plus lumineux, plus calme). Une sensation de joie dans une langue clairement accessible.
Vous me direz, le bonheur est pérenne, et la joie éphémère. C’est tout l’art de Clément Rosset. Quand la joie atteint jusqu’à l’esprit même, elle combine les avantages des deux.
 
Bérénice