routiers

Routiers, Jean-Claude Raspiengeas

Ils sont en file sur les nationales, stationnés sur les aires de repos, on les double sur les autoroutes. Ils roulent pour nous. Lors de la crise du coronavirus, ils n'ont pas lâché le volant, assurant les livraisons vitales à l'économie du pays. Engagés, comme tant d'autres travailleurs invisibles du quotidien. Sans les routiers, tout s'arrêterait. Maillons indispensables à la logistique, c'est sur eux que repose la pression d'un monde impatient qui veut tout, tout de suite et n'admet plus le moindre retard. Pendant un an, le journaliste Jean-Claude Raspiengeas s'est embarqué avec eux, dans leurs 44 tonnes. Il a partagé leur quotidien pour comprendre cette vie de solitaire. Il raconte tout un monde : depuis le bitume, les entrepôts, les restos routiers, jusqu'à leur cabine qu'ils ne quittent guère, les paysages et les saisons qui défilent, la nuit et les petits matins, vus d'en haut, à quelques mètres du sol. Dans ce livre, il explore aussi l'histoire, de Berliet à Max Meynier, l'économie, les impératifs écologiques et même l'avenir robotisé. Une immersion exceptionnelle parmi ces femmes et hommes de l'ombre.

Jusqu’à la parution de ce livre, je ne m’étais jamais intéressée –de près ou de loin- à la vie des routiers. Tout au plus, je me disais en m’apprêtant à les dépasser sur l’autoroute « Oh là là, il y a vraiment trop de poids-lourds, c’est dangereux… Il pourrait pas se rabattre, celui-là ? Quelle idée de vouloir doubler dans la côte ?! ». Et puis, j’ignore pourquoi, ce documentaire a piqué ma curiosité. Sans doute la belle image de couverture, ou encore l’idée alléchante de pouvoir infiltrer un monde un peu fermé, dont on ne sait finalement pas grand-chose. Faut dire aussi qu’ils m’impressionnent, les chauffeurs de ces monstres d’acier. Sans parler des femmes qui conduisent des 33 voire 44 tonnes, et dont je loue intérieurement le courage, dès que je croise l’une d’entre elles au volant.

En lisant ces lignes, j’ai appris à quel point les conditions de travail des conducteurs de camion étaient rudes, et s’étaient dégradées au fil des ans et des nouvelles technologies… Nous sommes loin de l’idéal du chauffeur qui préparait son trajet à l’aide d’une carte routière, s’arrêtait dans les bons petits restos routiers dont les bonnes adresses s’échangeaient via le bouche-à-oreille, et conversait gaiement avec ses collègues grâce à la Cibi.

Ainsi, en refermant l’ouvrage, je me suis promis de limiter mes commandes en ligne, et d’éviter à tout prix l’écueil de l’immédiateté. Parce qu’au bout du clic de ma souris et de mon « suivi colis », c’est toute une chaîne d’hommes et de femmes qui sont mis sous pression : de l’entrepôt jusqu’à la cabine du camion, en passant par les quais de chargement/déchargement, ou encore dans les foyers de celles et ceux qui en sont trop souvent absents.

Audrey

etoiles m

Les Animaux Villes, gigantesques cités biologiques et conscientes, capables de défier les lois de l'Espace-Temps, ont permis à l'humanité de coloniser l'espace. Mais celle-ci s'est divisée en quatre rameaux, les Mécanistes, les Connectés, les Organiques et les Originels. Entre ces factions que trop de choses séparent, la pi guerre menace d'éclater. Face à ce danger, un Animal Ville tente de tracer une autre voie. Les rameaux sont invités à assister ensemble à un spectacle unique : la mort par supernova d'une étoile binaire. Leurs représentants seront-ils à la hauteur de cet événement cosmique ? Etoiles Mourantes dépeint la fresque d'une post-humanité en prise avec son plus grand défi : sa propre extinction.

Il m'a fallu un temps beaucoup plus long qu'à l'habitude pour pénétrer ce livre, me figurer ces mondes étranges et leur complexité si réfléchie. Une SF comme j'en ai rarement lu même si l'intrigue reste un classique: la domination et le pouvoir.

P.

ch

Charlotte et moi, Olivier Clert

Voici le récit, pudique et sensible, de gens qui se croisent sans vraiment se voir, qui se côtoient sans tisser de liens, figés dans leur solitude et leurs préjugés. Mais une succession de hasards et d’incidents va remuer cette petite communauté, faisant naître une complicité improbable entre Charlotte, une jeune femme introvertie, et Gus, un garçonnet aventureux. En effet, tous deux ont choisi de croire en leurs rêves…

Cette bande dessinée en 3 tomes est une merveille de tendresse, d’humour et d’aventures. Contrairement à ce que pourraient laisser croire les images un peu rondes et colorées, cette histoire s’adresse à toutes et à tous, de 7 à 77 ans… et même au-delà ! On y suit Gus, un petit garçon de 8 ans qui vient d’emménager dans un nouvel immeuble peuplé de personnages intrigants… Dont Charlotte, une jeune femme obèse qui vit seule et ne prononce pas un mot, impressionnante de par sa carrure et son absence de sourire. La rencontre entre ces deux êtres sera pourtant le point de départ d’une aventure extraordinairement émouvante, autour d’une quête commune : celle des origines. Leur amitié se construira peu à peu, nous donnant l’envie de croiser le chemin d’une Charlotte et d’un Gus, un jour ou l’autre… Mention spéciale pour le dessin, la colorisation et le fourmillement de petits détails auxquels prêter attention, notamment au niveau des transitions entre les scènes.

ch2

Ode au vivre-ensemble et à la lutte contre les préjugés, voici une BD à mettre entre toutes les mains.

Audrey

trajectoire

La Trajectoire des confettis de Marie-Eve Thuot

2015, un barman ayant fait vœu de chasteté s'intéresse malgré lui à une cliente qui s'appelle tantôt Oscara, tantôt Fanny ou Cléopâtre. 1999, sous la pluie de bonbons d'une pinata, un adolescent tombe amoureux de sa tante. 1899, au nord des Etats-Unis, dans un village reculé, un pasteur récite à ses fidèles des passages salaces de la Bible. 2027, trois jeunes femmes se moquent en secret du gourou de leur communauté d'extinctionnistes. Quelque chose ne colle pas, n'a jamais collé dans le rapport entre sexe, amour et procréation. Des générations de personnages, coincés par les normes sociales, testent tour à tour les limites de la décence. Mais entre le tabou et l'acceptable, la frontière n'est pas aussi claire qu'on aimerait le croire. Pas plus qu'entre la vérité et le mensonge... Fresque vaste et captivante, La Trajectoire des confettis, premier roman de Marie-Eve Thuot, déchiquette en une pluie de confettis le grand cliché des romans d'amour, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

Je dois bien vous l’avouer : si ce roman n’avait pas été écrit par une autrice québécoise, je ne pense pas que je m’y serais intéressée de prime abord… Et j’aurais eu tort ! Il s’agit d’une magnifique fresque à la fois familiale, historique, sociologique. Y sont évoqués l’amour conjugal, l’amour filial, l’amour fraternel, le polyamour… Le lien entre amour, sexualité et reproduction est questionné tout au fil des pages. Ici, les tabous sont vite balayés, pour se concentrer sur des questionnements plus contemporains, à l’image d’un XXIème siècle qui se voudrait plus ouvert et libéré.

Quant aux amateurs de mystères, ils seront servis par les petits secrets de chacun, ainsi que le rapport entretenu par chaque personnage avec la vérité ou la réalité.

Enfin et pour ne rien gâcher, vous apprendrez grâce à de petites anecdotes glissées çà et là, et dans le désordre : la différence entre un eunuque et un castrat, ce qui fait des boîtes de nuit des « temples de la civilité », ou encore… pourquoi on lance des confettis sur les jeunes mariés !

Audrey

voix

La Voix de ceux qui crient : rencontre avec des demandeurs d'asile de Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky

Si des hommes et des femmes demandent l'asile à la France, c'est parce qu'ils cherchent un lieu inviolable où se réfugier. En danger de mort, ils ont dû quitter leur pays après avoir été pourchassés, persécutés, emprisonnés, torturés.Désormais, ils vivent auprès de nous, et nous ne connaissons pas leur histoire. Autour d'eux comme en eux règne un désert de parole : personne ne prend le temps de les écouter, et s'ils crient dans leurs cauchemars ou lorsque leurs tragédies surgissent à leur conscience, leur voix singulière est perdue, étranglée de violence, de peur et de fatigue.Depuis 2010, à l'hôpital Avicenne de Bobigny, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky rencontre ces hommes et ces femmes à bout de souffle. Elle rapporte ici les paroles qui lui ont été confiées dans le vif de la consultation. Et révèle comment, dans ce cadre, les demandeurs d'asile se mettent en quête de retrouver leur voix. Conquérant peu à peu la capacité de raconter leur vie, ils regagnent alors celle d'en avoir une... Le migrant n'est pas une figure transitoire de notre société. Sa présence questionne la mise en pratique de nos valeurs...

Une psy et anthropologue reçoit des exilés à l’hôpital Avicenne (Bobigny) Elle leur fait découvrir la force qu'ils ont à travers les choix qu'ils ont faits, dont celui de partir. Se reconnecter avec sa force... Trouver, même avec une histoire tragique, le côté positif sur lequel s'appuyer. A lire.

En complément, une rencontre avec Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, invitée à la médiathèque Arthur Rimbaud d'Antony en 2018 sur le thème : Comment donner une voix à ceux qui crient ?



Agnès

clint

Clint et moi

Eric Libiot aime Clint Eastwood depuis toujours. Son cinéma, ses grognements, son regard, ses coups de gueule. Mais il l'agace également à cause de ses prises de position, de sa passion pour le 44 Magnum, de son respect pour le drapeau étoilé. Comment Clint peut-il jouer Dirty Harry et réaliser Sur la route de Madison ? Comment peut-il interpréter les machos et célébrer Charlie Parker dans Bird ? C'est ce mystère qu'Eric Libiot, grand cinéphile, tente de percer. Il raconte "son" Clint Eastwood et, parce que le 7e art touche à l'intimité de chacun, en vient à se raconter lui-même. Balade vagabonde et érudite, autoportrait en creux et leçon de cinéma : Clint et moi renouvelle le genre de la déclaration d'amour.

600 clint eastwood2 585

J'avoue, je suis partiale, et je l'assume: j'adore Clint depuis toujours. Et Eric Libiot aussi, tout en acceptant les zones troubles de l'homme et de l'artiste. Drôle, touchant, émouvant même. Une vie d'homme. Un chapitre de l'histoire du cinéma.Et moi aussi, "Comme métier je veux faire ami(e) de Clint"

Lucie

megan

« Icône » est la biographie percutante et touchante du phénomène Megan Rapinoe. La milieu de terrain est une pièce maîtresse de l'équipe américaine, sacrée, avec son équipe championne olympique en 2012 et deux fois championne du monde en 2015 et en 2019. Elle a également raflé les distinctions individuelles et notamment le prestigieux Ballon d'or. Se démarquant par ses prises de position et ses coups d'éclat, elle est devenue l'une des porte-parole mondiales de la communauté LGBTQ et du combat pour la parité dans le milieu du football.
 
Pour que les choses soient bien claires entre nous :
 
1) C’est la première fois de ma vie que je lis la biographie d’un sportif ou d’une sportive, quel(le) qu’il/elle soit
2) Je n’avais jamais entendu parler de Megan Rapinoe avant la finale de la Coupe du Monde 2019 de football féminin, qui s’est jouée en France et qui opposa les Pays-Bas aux Etats-Unis
3) Je suis vraiment nulle en sports collectifs.

Et pourtant… Je me suis régalée à la lecture d’une partie de la vie de cette battante qu’est Megan Rapinoe. Non seulement star du ballon rond, elle est aussi et surtout une femme de caractère et de convictions. Rares sont les sportifs de haut niveau ayant le courage de prendre position sur des sujets politiques et/ou polémiques –de peur de perdre supporters, sponsors et sélections lors des compétitions importantes… Cette extraordinaire athlète, elle, n’hésite pas à mettre sa notoriété au service des messages forts qu’elle souhaite porter : que ce soit pour lutter contre les discriminations dont sont victimes ses concitoyens noirs (mouvement Black Lives Matter), s’opposer à la politique menée par Donald Trump, ou encore défendre les droits des personnes LGBT, Megan donne de la voix. Sur le terrain ou lors de victoires prestigieuses (Jeux olympiques, Coupe du monde et autres récompenses de marque), elle saisit le micro qui lui est tendu pour prononcer de pertinents discours qui pourraient aider à changer le monde dans lequel nous vivons. Voilà une personnalité qui, outre ses performances sportives exceptionnelles, gagne à être connue en dehors du milieu purement sportif !
 
Audrey
 

 

priest

Le Monde inverti de Christopher Priest

J'avais atteint l'âge de mille kilomètres. De l'autre côté de la porte, les membres de la guilde des Topographes du Futur s'assemblaient pour la cérémonie qui ferait de moi un apprenti. Au-delà de l'impatience et de l'appréhension de l'instant, en quelques minutes allait se jouer ma vie. Helward Mann est l'un des habitants de la cité Terre, une mégalopole progressant sur le sol inconnu d'une planète effrayante. Il ne sait rien de l'extérieur et doit maintenant jurer qu'il ne révélera jamais ce qu'il y découvrira. Mais le long des rails qui mènent à l'optimum, Helward découvrira un monde dominé par le chaos et la barbarie, des paysages déformés, éclairés par l'hyperbole du soleil.

D'un monde clos vers un dénouement inattendu, ou comment un esprit curieux va-t-il remettre en question l'ordre établi et découvrir une réalité troublante.

P.