ensemble

Il y avait cet énorme chêne près des toilettes des garçons, sur lequel je reproduisais les coups de pied retournés du Chevalier Lumière, pour envoyer un signal aux inconscients qui t'auraient cherché des noises. Il ne pouvait rien t'arriver. Tu avais un frère dans la cour des grands, qui maîtrisait en théorie les rudiments du karaté et qui veillait sur toi. En théorie. Dans la pratique, ta garde rapprochée laissait parfois à désirer". Deux frères. L'un, candide, l'autre, rageur. Leurs parents ont mis au monde la parfaite antithèse. Quand Thibault fonce, Guillaume calcule. Si Thibault tombe, Guillaume dissimule. Prise de risque contre principe de précaution. L'amour du risque face à l'art de ne jamais perdre. En 2001, Thibault est diagnostiqué schizophrène. A cela, un Chevalier Lumière ne peut rien. Sa bascule, il fallait la raconter. Et aussi la culpabilité, les traitements, la honte, les visions, l'amour, les voyages, les rires, la musique et l'espoir. Alors Thibault a accepté de livrer ses folles histoires. Et ses voix se sont unies à celle de son frère. Contre une maladie qui renferme tous les maux, les clichés, les fardeaux, ils ont livré bataille. A partir d'une tragédie universelle, ils ont composé un livre où douleur et mélancolie côtoient la plus vibrante tendresse.

Un magnifique témoignage de la puissance du lien fraternel. Gringe -que l’on connaissait rappeur et acteur- dévoile ici une partie de sa vie, à travers l’histoire de Thibault, son frère diagnostiqué schizophrène, et qu’il porte à bout de bras. Ce récit de Gringe « auteur » nous touche au plus profond, et est un éloge de la tendresse et de l’alliance familiale contre la maladie et le handicap psychique.

Audrey

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Mimmo et Cristofaro sont amis à la vie à la mort, camarades de classe et complices d'école buissonnière. Cristofaro qui, chaque soir, pleure la bière de son père. Mimmo qui aime Celeste, captive du balcon quand Carmela, sa mère, s'agenouille sur le lit pour prier la Vierge tandis que les hommes du quartier se plient au-dessus d'elle. Tous rêvent d'avoir pour père Totò le pickpocket, coureur insaisissable et héros du Borgo Vecchio, qui, s'il détrousse sans vergogne les dames du centre-ville, garde son pistolet dans sa chaussette pour résister plus aisément à la tentation de s'en servir. Un pistolet que Mimmo voudrait bien utiliser contre le père de Cristofaro, pour sauver son ami d'une mort certaine.

A la fois drôle et touchant. On a l'impression d'être dans le pays, dans l'action. Une histoire terrible mais avec une touche d'humour. "Comovente" comme on dit en italien : "émouvant".

 

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Dans la lignée de Les Vertus de l'échec et La Confiance en soi, un nouvel essai de philosophie pratique, où Charles Pépin montre que toute vraie rencontre est en même temps une découverte de soi et une redécouverte du monde. Pourquoi certaines rencontres nous donnent-elles l'impression de renaître ?? Comment se rendre disponibles à celles qui vont intensifier nos vies, nous révéler à nous-mêmes ?? La rencontre - amoureuse, amicale, professionnelle - n'est pas un " plus " dans nos vies. Au coeur de notre existence, dont l'étymologie latine ex-sistere signifie " sortir de soi ", il y a ce mouvement vers l'extérieur, ce besoin d'aller vers les autres. Cette aventure de la rencontre n'est pas sans risque, mais elle a le goût de la " vraie vie ". De Platon à Christian Bobin en passant par Belle du Seigneur d'Albert Cohen ou Sur la route de Madison de Clint Eastwood, Charles Pépin convoque philosophes, romanciers et cinéastes pour nous révéler la puissance, la grâce de la rencontre. En analysant quelques amours ou amitiés fertiles -? Picasso et Eluard, David Bowie et Lou Reed, Voltaire et Emilie du Châtelet... ? - il montre que toute vraie rencontre est en même temps une découverte de soi et une redécouverte du monde. 

J'ai lu "La Rencontre" de Charles Pépin après avoir écouté les deux entretiens qu'il a accordé à Céline Bitelet dans son podcast "Fais moi signe". En ces temps de repli sur soi, la lecture de cet essai philosophique nous met le pied à l'étrier pour de nouvelles rencontres.

Serge

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Quand Mae Holland est embauchée par le Cercle, elle n'en revient pas. Installé sur un campus californien, ce fournisseur d'accès Internet relie les mails personnels, les réseaux sociaux, les achats des consommateurs et les transactions bancaires à un système d'exploitation universel, à l'origine d'une nouvelle ère hyper-numérique, prônant la civilité et la transparence. Alors que la jeune femme parcourt les open-spaces, les immenses cafétérias en verre, les dortoirs confortables pour ceux qui restent travailler le soir, la modernité des lieux et l'intense activité la ravissent. On fait la fête toute la nuit, des musiciens célèbres jouent sur la pelouse, des activités sportives, des clubs et des brunchs sont proposés, et il y a même un aquarium contenant des poissons rares rapportés par le P. -D. G. Mae n'en croit pas sa chance de travailler pour l'entreprise la plus influente qui soit - même si le campus l'absorbe entièrement, l'éloignant de plus en plus de ses proches, même si elle s'expose aux yeux du monde en participant au dernier projet du Cercle, d'une avancée technologique aussi considérable qu'inquiétante. Ce qui ressemble d'abord au portrait d'une femme ambitieuse et idéaliste devient rapidement un roman au suspense haletant, qui étudie les liens troubles entre mémoire et histoire, vie privée et addiction aux réseaux sociaux, et interroge les limites de la connaissance humaine.

A la croisée du "1984" de Orwell et du terrible "La mort est mon métier" de Merle, voici une ode entraînante et aigre douce à nos nouvelles utopies. A titre personnel j'ai été terrifiée. Je crois que dans quelques jours j'arriverai peut-être à retourner sur les réseaux sociaux sans y penser, mais c'est pas sûr.Dans ce livre très proche de notre quotidien et des aspirations de notre temps à l'immédiateté et au partage, la candeur des intentions n'a d'égale que la force de l'intelligence collective : et tout est réuni pour la fabrique d'un nouveau cauchemar social. Le fascisme serait-il toujours ailleurs que là où on l'attend ?

Le roman a été adapté en 2017 avec Emma Watson, John Boyega et Tom Hanks :

Bérénice

Marcia Burnier Les orageuses COUV 680x1085

Les Orageuses raconte l'histoire d'une impossible réparation : celle d'une bande de filles ordinaires qui décident un jour de reprendre le contrôle de leur vie, ensemble, et de partir en quête de leur propre justice après avoir été violées. Un texte profondément d'actualité dans un contexte de visibilisation des violences sexuelles, tout à la fois sensible et radical, qui évoque "Dirty Week-end" de Helen Zahavi... en moins sanglant.

Cette histoire d’une bande de filles qui décide de ne plus attendre vainement après la justice des hommes, mais d’aller chercher elles-mêmes la réparation… Une belle leçon de sororité, de puissance des femmes, de reprise de pouvoir : ou comment transformer la rage en force, et rendre la peur à ceux qui tentent de la faire régner.

A.

 

antoine

A Port-au-Prince, Ti Tony vit dans une seule pièce qu'il partage avec son frère Franky et leur mère Antoinette. Alors que Franky aime les mots et les histoires, il se lance dans l'écriture d'un livre sur Antoine des Gommiers, cet incomparable devin que les Haïtiens portent aux nues. Mais la popularité de ce chamane n'est pas l'unique raison d'un tel projet littéraire, Antoine des Gommiers serait le grand-oncle d'Antoinette, une filiation qui change tout même si Ti Tony, lui, ne saura jamais s'emparer de la fiction pour voir la vie en bleu. Un livre magnifique, où l'amour filial transcende la misère.

Deux frères. L'un est dans le rêve, l'autre bien ancré dans la réalité. A l'image d'Haïti, confronté à la fois à la pauvreté et à l'utopie. Un peu simplificateur pour rendre compte de la force de ce roman !

vu5ou lyonel trouillot

 

mlle

Madame Aupick, à vous, je peux le dire qui me demandez qui je suis. Mais, au risque de paraître orgueilleuse, aucun lecteur des Fleurs du mal n'oubliera la Vénus noire de Charles Baudelaire, la muse immorale, damnée du plus grand des poètes maudits. Oui, c'est moi, la belle ténébreuse, cette chère indolente, qui marche en cadence, belle d'abandon, comme un serpent qui danse...

GENIAL ! Pour amateurs de Beaudelaire, ou pas, et de BD, bien-sûr !

 

Les evanescents

Il s'appelle Dos Reis, patronyme exotique, goût d'huile ou de ciment, c'est selon. Ses parents ne parlaient pas français vingt ans auparavant mais ils viennent d'intégrer la classe moyenne et peuvent s'installer dans un lotissement où l'immobilier est accessible à des gens comme eux. Encore loin des familles qui inscrivent leurs enfants aux cours de tennis du Country Club, mais suffisamment proches pour humer l'air de cette pastorale atlantique des Trente Glorieuses finissantes. Lorsqu'il atteint l'âge des premiers tags, Mickaël rêve d'inscrire son nom sur tous les murs de la ville. De faire partie de ce mouvement hip-hop où les vapeurs d'aérosol lèvent de fraîches hallucinations. Et puis un jour, il change de rivage.

Un premier roman qui se situe entre l'adolescence et l'âge adulte, qui ausculte avec minutie les sentiments, les rêves et les désillusions qui vont avec. L'auteur retranscrit à merveille l'étau que représente la détermination sociale, et pousse la logique de l'impuissance jusqu'au bout : puisque je ne peux, autant ne pas être. L'issue est sombre mais le chemin est beau.

Olivier

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