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Le chœur des femmes d’Aude Mermillod (adaptation du roman de Martin Winckler)

Jean Atwood, interne des hôpitaux et quatre fois major de promotion, vise un poste de chef de clinique en chirurgie gynécologique. Mais au lieu de lui attribuer le poste convoité, on l’envoie passer son dernier semestre d’internat dans un service de médecine consacré à la médecine des femmes – avortement, contraception, violences conjugales, maternité des adolescentes, accompagnement des cancers gynécologiques en phase terminale… Le docteur Atwood veut faire de la chirurgie, et non passer son temps à écouter des femmes parler d’elles-mêmes à longueur de journée. De consultations en témoignages, Jean pourrait bien pourtant changer sa vision de la médecine.

J’avais tout simplement adoré le roman de Martin Winckler, médecin militant féministe français et installé au Québec, également connu comme romancier et essayiste. Aude Mermillod ajoute sa touche colorée et réaliste aux expressions de personnages tous plus complexes les uns que les autres. D’une grande finesse.

Audrey

 

dedales

Brian est un jeune étudiant taciturne, dont la passion pour le dessin le fait remplir des carnets d’œuvres particulièrement étranges. Il est ami avec Jimmy depuis l’enfance, un autre étudiant, chouchou d’un groupe actuel de fans de cinéma, qui se retrouvent régulièrement à l’occasion de soirées arrosées, pour visionner des films super 8 d’horreur des années soixante, mais aussi leurs propres créations à tous deux. Ce soir-là, la belle rousse Laurie vient auprès de lui, s’intéressant à ses dessins, et surprenant ce garçon, plutôt habitué à l’isolement. Commence alors un début de relation, faite de sincère attirance, de son côté à elle, mais aussi beaucoup d’interrogations. La définition de la fascination…

Charles Burns atteint ici le paroxysme de son art, chaque page est d'une beauté époustouflante. Bd tourmentée et magnifique, je vous envie si vous ne la connaissez pas encore.

Olivier

jour viendra

À Serra de’ Conti, sur les collines des Marches italiennes, Lupo et Nicola vivent dans une famille pauvre et sans amour. Fils du boulanger Luigi Ceresa, le jeune Lupo, fier et rebelle, s’est donné pour mission de protéger son petit frère Nicola, trop fragile, trop délicat avec son visage de prince. Flanqués de leur loup apprivoisé, les deux frères survivent grâce à l’affection indestructible qui les unit. Leur destin est intimement lié à celui de Zari, dite Soeur Clara, née au lointain Soudan et abbesse respectée du couvent de Serra de’ Conti. Car un mensonge sépare les frères et un secret se cache derrière les murs du monastère. Alors que souffle le vent de l’Histoire, et que la Grande Guerre vient ébranler l’Italie, le jour viendra où il leur faudra affronter la vérité. 

Dans une langue aussi tendre et rude que l’amour entre deux frères, Giulia Caminito donne voix à des personnages intenses en lutte face au chaos du monde.

Mylène

 

Pour faire suite à la manifestation des Grands Espaces Littéraires qui a eu lieu en novembre 2021, nous avons le plaisir de vous faire découvrir un film documentaire réalisé par le vidéaste Jérémy Laurichesse. Ce film met en lumière l'univers de l'auteure italienne Giuilia Caminito et son roman " Un jour viendra" publié chez Gallmeister.

 

mindfuck

Dans ce témoignage inédit, le lanceur d'alerte Christopher Wylie nous raconte comment l'utilisation des données personnelles de dizaines de millions de personnes et des opérations de manipulations mentales menées à grande échelle ont permis à Donald Trump d'accéder au pouvoir, et au Brexit de l'emporter lors du référendum britannique. Wylie a été le premier à dénoncer les pratiques de la société pour laquelle il travaillait, Cambridge Analytica, et à pointer du doigt Facebook, WikiLeaks, les services de renseignement russes et des hackers du monde entier qui ont participé, plus ou moins activement, à ces opérations dont les conséquences politiques et géopolitiques nous concernent tous...

L'auteur rend compte en une histoire d'apparence banale de l'utilisation à dessein des réseaux sociaux et de la manipulation de masse par l'engeance de certains acteurs majeurs de notre société Un bouquin salutaire pour comprendre ce qu'est le biais cognitif présent quelle que soit l'élévation d'intelligence, comment garder tout son esprit et rappeler son libre arbitre à la veille d'élections... Une lecture indispensable en nos temps moderne.

P.

kim

Kim Ji-young est une femme ordinaire, affublée d'un prénom commun - le plus donné en Corée du Sud en 1982, l'année de sa naissance. Elle vit à Séoul avec son mari, de trois ans son aîné, et leur petite fille. Elle a un travail qu'elle aime mais qu'il lui faut quitter pour élever son enfant. Et puis, un jour, elle commence à parler avec la voix d'autres femmes. Que peut-il bien lui être arrivé ?

J'ai adoré ce court récit de la vie d'une femme coréenne ordinaire. En quelques chapitres incisifs, l'auteur parvient à nous plonger dans le quotidien de Kim Ji-young et plus généralement dans la très patriarcale société sud-coréenne contemporaine. Le style est simple et direct. L'auteur (Cho Nam-joo, une femme) expose simplement les faits, les chiffres. A travers le personne de Kim Ji-young, elle parle de toutes les Coréennes : grands-mères, mères et filles, à qui on a coupé ou à qui on coupera les ailes.

Il y a de la résignation dans ce docu-fiction : de la mère de Kim Jiyoung qui a du travailler pour que ses frères puissent faire des études, à sa soeur qui finit par devenir prof parce que c'est un métier qui convient aux femmes, en passant par la collègue enceinte qui s'arrête de travailler "momentanément", et par le mari, inconscient du poids qui pèse sur les épaules de sa femme et qui participe au maintien des "traditions"...

Cho Nam-joo illustre ce que cette société à prédominance masculine fait subir à l'autre moitié de sa population, reléguée au second plan, passant toujours après les hommes de sa famille. Un récit puissant et qui a suscité la polémique en Corée du Sud, où le sujet reste extrêmement sensible. Un grand coup de coeur pour ce livre.

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Le roman a été adapté au cinéma en 2019 : 82년생 김지영 (Kim Jiyoung, born 1982) avec Jung Yu-mi et Gong Yoo dans les rôles principaux. Bien sûr, comme on pouvait s'y attendre, le film a déclenché une vague de critiques misogynes et anti-féministes en Corée du Sud...

E.

rein

Essai : Réinventer l’amour : comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles de Mona Chollet.

Au cœur de nos comédies romantiques, de nos représentations du couple idéal, est souvent encodée une forme d’infériorité féminine, suggérant que les femmes devraient choisir entre la pleine expression d’elles-mêmes et le bonheur amoureux. Le conditionnement social subi par chacun, qui persuade les hommes que tout leur est dû, tout en valorisant chez les femmes l’abnégation et le dévouement, et en minant leur confiance en elles, produit des déséquilibres de pouvoir qui peuvent culminer en violences physiques et psychologiques. Même l’attitude que chacun est poussé à adopter à l’égard de l’amour, les femmes apprenant à le (sur ?) valoriser et les hommes à lui refuser une place centrale dans leur vie, prépare des relations qui ne peuvent qu’être malheureuses. Sur le plan sexuel, enfin, les fantasmes masculins continuent de saturer l’espace du désir : comment les femmes peuvent-elles retrouver un regard et une voix ?

Le titre peut faire peur, il n’en est rien. Mona Chollet est une journaliste et essayiste contemporaine, qui réussit à vulgariser intelligemment des théories qui nous paraissent limpides à la lecture de ses œuvres. Elles citent de nombreuses sources, anecdotes, et exemples de notre vie quotidienne à tous et à toutes. Et ne s’adresse vraiment pas seulement aux femmes/ malheureuses/ vivant en couple/ dans une relation hétérosexuelle (croyez-moi sur parole 😉). A mettre entre toutes les mains, pour une réflexion commune autour de notre culture de l’amour.

Audrey

oiseaux

Au large de la Norvège se dresse, inébranlable, le phare de Kjeungskjaer. Coupés du monde, les habitants de cette contrée soumise aux lois de la nature vivent dans une profonde solitude. Johan rêve de fuir vers l'Amérique avec la belle Hannah, son premier amour. Mais pour subvenir aux besoins de sa vieille mère, le jeune homme devient le gardien du phare et prend pour épouse la fille du pasteur, Marie. Rapidement, Marie met au monde deux enfants, Darling et Valdemar. Seulement ici, les liens familiaux sont des chaînes qui, une fois brisées, libèrent la folie de chacun. Les années s'écoulent, épuisantes, au gré de féroces tempêtes. Johan, Darling, Marie... les apparences sont trompeuses et, à mesure que le temps passe, de sombres désirs se réveillent. Au gré des vents et des tempêtes, Maren Uthaug signe une saga familiale à trois voix, qui brûle d'une soif ardente de liberté. 

Une sorte de conte féroce dont seul.es les écrivain.es nordiques ont le secret ! En dire plus serait risqué, mais croyez-moi : tout au long de cette lecture, vous aurez vous-mêmes l’impression de vivre dans ce phare, et de faire partie de cette communauté… spéciale. 

Audrey

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Boulard est aux anges : sa copine Chloé lui a demandé de vivre avec elle. Ils dégotent un studio et alors que Chloé trouve un boulot, Boulard cherche comment il pourrait participer au loyer. Mais sa nature reprend aussi vite le dessus. Il se laisse vivre et invite tout le temps ses potes. Ce qui provoque immanquablement engueulades, réconciliations et re-engueulades. Au point que l'éternel ado envisagerait même de retourner vivre chez ses parents pour faire un break. Son couple va-t-il résister à cette expérience ?

Une vague de mauvaise humeur m'a saisi à la lecture de cette BD. Mauvaise humeur très pré-menstruelle diront certains pour qui le féminisme est juste une machine à réprimer la bonne humeur d'un bon vieux temps allègrement macho. Pourtant, en 2021, il y a des gags qui font moins rire qu'avant. Et que Boulard, tout anti-héros qu'il soit, sabote exprès les corvées domestiques pour s'en dispenser à bon compte.... ça ne passe plus comme en 1950. Dommage. Boulard a grandi mais n'a pas évolué avec son temps.

Bérénice