ici

Ici raconte l'histoire d'un lieu, vu d'un même angle, et celle des êtres qui l'ont habité à travers les siècles. Dans cet espace délimité, les existences se croisent, s'entrechoquent et se font étrangement écho, avant d'être précipitées dans l'oubli. Richard McGuire propose ainsi une expérience sensorielle inédite, puissante et presque magique du temps qui passe.

Quand on croise la route d'un OVNI comme cette BD, on ne peut pas rester indifférent. Comme le chiffre Pi, tout est réuni dans cette BD: illustration, peinture, photographie, histoire et Histoire, amour, humour... Une petite merveille à côté de laquelle il ne faut surtout pas passer.

Lucie

berger

Dans la lignée des grands récits alpins, le duo d'auteurs imagine une histoire qui n'aurait pas pu naître ailleurs. Échappant aux fascistes, un « assassin » blessé est recueilli et soigné par un berger, dans l'attente de pouvoir passer la frontière par les sommets. Forcés de cohabiter, les deux hommes dialoguent en voix off, spectateurs de la majesté de la nature qui se déploie devant eux, pour n'apparaître au lecteur qu'en toute fin d'ouvrage. Le romanesque explose à chaque page de ce texte à l'âpreté philosophique, construit autour d'une situation historique faisant inévitablement écho à l'actualité...

"Dès que j'irai un peu mieux, tu me feras passer la montagne. ? Je ne sais pas. Je vais y réfléchir. ? Ce n'était pas une question. ? Pour moi, c'en est une". Le berger but un peu du lait de ses brebis à même le pot à traire. Puis il tendit le pot à l'assassin. "Qui que tu sois, la montagne est plus dangereuse que toi".

Un énorme coup de cœur pour ce roman illustré. Le titre aurait pu en être Le berger, l’assassin et la montagne tant elle est présente. Un assassin, poursuivit par des fascistes demande à un berger de lui faire traverser la montagne pour leur échapper et se réfugier sur l'autre versant. Le grand format magnifie les illustrations et la narration, souvent au style direct, happe le lecteur.

Véronique

F00234

En juin 2019, Étienne Davodeau entreprend, à pied et sac au dos, un périple de 800 km, entre la grotte de Pech Merle et Bure. Des peintures rupestres, trésors de l'humanité encore protégés aux déchets nucléaires enfouis dans le sous-sol, malheur annoncé pour les espèces vivantes. Étienne Davodeau, sapiens parmi les sapiens, interroge notre rapport au sol. Marcheur-observateur, il lance l'alerte d'un vertige collectif imminent et invite à un voyage dans le temps et dans l'espace. De quelle planète les générations futures hériteront-elles ? Qu'allons-nous laisser à celles et ceux qui naîtront après nous ? Comment les alerter de ce terrible et réel danger pour leur survie ? Il est de notre responsabilité collective d'avancer sur les questions énergétiques pour protéger la "peau du monde". Dans cette marche à travers la France, il est parfois accompagné d'amis, de sa compagne, mais aussi de spécialistes, qu'il convoque sur ces sentiers pour qu'ils nous racontent l'histoire unique du sol de notre planète, ou encore celle du nucléaire et de ses déchets, dangereux pendant plusieurs centaines de milliers d'années.

Marcher. Voilà pourquoi l'homme est fait. Marcher et se sentir libre. Marcher sans but ou au contraire chercher à atteindre un objectif. L'objectif d'Étienne Davodeau est de relier la grotte de Pech Merle dans le Lot au territoire en lutte de Bure dans la Meuse. Relier l'Homo sapiens d'il y a 20000 ans qui a laissé ses traces en dessinant sur les parois de la grotte, l'Homo sapiens d'aujourd'hui qui choisit de laisser sa trace en enfouissant dans le sol des tonnes de déchets radioactifs et l'Homo sapiens dans 20000 ans qui cherchera à comprendre pourquoi ses ancêtres ont fait ce choix. Marcher pour lutter, marcher pour faire entendre la voix de ceux qui contestent ce choix.

Silvia

augustine

Augustine aime le piano, la danse et le silence du CDI. Elle n'aime pas les salsifis, les haricots beurre, les "mous-loukoums" et les filles qui parlent constamment de "doudounes". En plus d'avoir douze ans et demi (ce qui n'est pas rien), Augustine voit des mots partout, des mots tout le temps. Des mots qui jusque dans son sommeil l'enquiquinent, qui fond des vrilles des bonds des rimes. Si au moins ça pouvait l'aider à écrire sa rédaction pour demain. Mais non, rien. Ce soir, dimanche, les mots lui manquent, elle a le syndrome de la page blanche. Boule au ventre, petit vélo, insomnie ; elle a beau se creuser le ciboulot, consulter son dico, c'est le vide intersidérale sur sa copie. Alors cette nuit, au fond de son lit, Augustine se demande si tout ça est bien normal, si elle ne souffrirait pas d'une sorte de maladie.

On aurait tort de croire que la littérature jeunesse ne s'adresse qu'aux enfants. Si elle est là pour guider, rassurer et accompagner l'enfant dans son cheminement, elle est aussi là pour rappeler aux adultes qu'ils ont eux aussi été enfants, et que ce qu'ils ne comprennent plus aujourd'hui  était leur quotidien autrefois. "Augustine" m'a fait cet effet-là: une plongée dans mon enfance, et un regard plus lucide et apaisé sur les enfants d'aujourd'hui.

L.

chateau animaux

Quelque part dans la France de l'entre-deux guerres, niché au cœur d'une ferme oubliée des hommes, le Château des animaux est dirigé d'un sabot de fer par le président Silvio... Secondé par une milice de chiens, le taureau dictateur exploite les autres animaux, tous contraints à des travaux de peine épuisants pour le bien de la communauté... Miss Bangalore, chatte craintive qui ne cherche qu'à protéger ses deux petits, et César, un lapin gigolo, vont s'allier au sage et mystérieux Azélar, un rat à lunettes pour prôner la résistance à l'injustice, la lutte contre les crocs et les griffes par la désobéissance et le rire...

Référence et suite assumée de la Ferme des animaux d’Orwell, cette bande dessinée est un petit bijou. On se retrouve plongé dans un univers peuplé uniquement d’animaux, dont les uns exploitent les autres. L’anthropomorphisme fonctionne à merveille, et les dessins sont éblouissants : chaque planche est d’un extrême réalisme, parsemée de multiples détails. Quant au scénario, il n’est vraiment pas en reste ! Travail soigné, pour l’instant seuls deux tomes (sur quatre prévus) sont sortis, à raison d’un tous les deux ans. Un vrai coup de cœur, sur lequel je vous invite à vous jeter sans attendre !

Audrey

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1850 : Napoléon III autorise la création de bagnes privés pour mineurs. 1861 : une soixantaine de garçons sont acheminés à la colonie pénitentiaire de l'île du Levant, au large d'Hyères. Derrière le projet éducatif annoncé, les enfants, coupés du reste du monde, corvéable à merci, sont broyés par une discipline de fer. 1866 : que pouvaient-ils faire d'autre que se révolter ? " Plus de cent ans après, Héloïse Guay de Bellissen entre au collège, à la Seyne-sur-Mer, tout près de là. Autour d'elle, une bande d'adolescents rebelles au système. En quête d'une liberté pleine et entière, ils sèchent les cours, écoutent Nirvana et les Pixies dans des lieux secrets. Et se préparent à un destin tragique.

Deux histoires d’adolescences à un siècle d’écart, un parallèle magnifique et une écriture acérée. Quelle que soit l’époque, il souffle un vent de révolte, de liberté, d’injustice aussi… J’avais découvert Héloïse Guay de Bellissen à travers son livre « Parce que les tatouages sont notre histoire », et ce roman-ci me confirme qu’elle est une auteure à suivre. Dernier argument : quiconque a été ado au milieu des années 90 ne pourra résister aux références musicales et culturelles qui peuplaient ce quotidien si particulier des jeunes de l’avant-2000.

Audrey

guerre

1524, les pauvres se soulèvent dans le sud de l'Allemagne. L'insurrection s'étend, gagne rapidement la Suisse et l'Alsace. Une silhouette se détache du chaos, celle d'un théologien, un jeune homme, en lutte parmi les insurgés. Il s'appelle Tomas Müntzer. Sa vie terrible est romanesque. Cela veut dire qu'elle méritait d'être vécue ; elle mérite donc d'être racontée.

Quelques dizaines de pages seulement, et vous serez plongés dans l'Europe du XVème siècle. Des rebellions éclatent un peu partout, et la figure d'un théologien se dessine dans ce chaos : Thomas Müntzer.

La prose de Vuillard est ensorcelante, on lit, on sent, on ressent. La force d'un écrivain c'est de faire oublier au lecteur qu'il connaît la fin. On y croit jusqu'au bout, à la victoire de ce chrétien qui a pris la Bible pour mener le peuple dans ses espoirs séditieux.

Olivier

ma mamamn

Une succession de tranches de vie partagées par une mère célibataire et sa fille, racontée avec naïveté et simplicité par cette dernière. Des moments de tendresse ordinaires (câlins, bisou du soir, sortie au square) succèdent à d’autres qui le sont beaucoup moins (rave, vernissage, performances artistiques, manifestation féministe…). Une famille monoparentale, une mère féministe aussi libre que fantaisiste, une enfant qui grandit entourée d’adultes hors normes mais bienveillants... Cet album prônant la liberté de choix de vie, la tolérance et l’inclusivité est un petit bijou à bien des égards : par la simplicité et l’universalité de son propos, par les modèles différents de famille et de parentalité qu’il montre en toute simplicité, et qui permettront à nombre d’enfants de reconnaître et de voir leur famille représentée.

Très chouette album coloré, illustré par une formidable illustratrice-tatoueuse, et dont le propos est tout aussi enthousiasmant ! On y prône la tolérance, le féminisme, le droit à la différence… Un livre rafraîchissant, tant pour les enfants que pour les plus grands.

Audrey