coeur synt

Adélaïde vient de rompre, après des années de vie commune. Alors qu'elle s'élance sur le marché de l'amour, elle découvre avec effroi qu'avoir quarante-six ans est un puissant facteur de décote à la bourse des sentiments. Obnubilée par l'idée de rencontrer un homme et de l'épouser au plus vite, elle culpabilise de ne pas gérer sa solitude comme une vraie féministe le devrait. Entourée de ses amies elles-mêmes empêtrées dans leur crise existentielle, elle tente d'apprivoiser le célibat, tout en effectuant au mieux son travail dans une grande maison d'édition. En seconde partie de vie, une femme seule fait ce qu'elle peut. Les statistiques tournent dans sa tête et ne parlent pas en sa faveur : "Il y a plus de femmes que d'hommes, et ils meurent en premier."

C’est l’histoire tristement banale -mais tellement drôle, aussi- d’une femme dans la quarantaine qui se rend compte qu’elle est « sortie du marché à la bonne meuf » comme l’écrirait Despentes. Une histoire dans laquelle le fantasme joue un grand rôle, un récit qui aide à dédramatiser, usant de l’auto-dérision et de la sororité comme boucliers. À lire en parallèle de l’essai féministe « Mes bien chères sœurs », de la même autrice.

Audrey

La geante

Noële a toujours vécu au pied de la Géante, la montagne immuable qui impose son rythme, fournit les fagots pour l'hiver, bleuet, bourrache, gentiane pour les tisanes et les onguents. Elle est un peu sorcière, a appris les plantes et la nature sauvage grâce à la Tante qui les a recueillis, elle et son frère Rimbaud qui ne parle pas mais chante avec le petit-duc. Elle sait qu'on ne peut rien attendre du ciel, et n'a plus levé les yeux vers le soleil depuis longtemps. Repliée dans cet endroit loin de tout, elle mène une existence rugueuse comme un pierrier. Soudain surgit dans sa vie l'histoire de deux inconnus. Elle découvre par effraction ce que peut être le désir, le manque, l'amour qui porte ou qui encombre. Elle s'ouvre au pouvoir des mots.

A quoi tient le choix d’un ouvrage ? Parfois à l’appel de l’esthétique d’une première de couverture - des montagnes stylisées orange et indigo – à la redécouverte d’un éditeur – Zulma – et au nom de l’autrice – Vilaine - à côté de la photo de son visage plein de douceur. C’est ainsi que je me suis lancée dans la lecture de La géante, un court roman captivant avec l’envie désormais de le partager avec vous.

Un roman à lire lentement, à la fois simple et étonnamment ciselé. L’histoire d’une femme, un peu sorcière, elle connait les plantes et n’a jamais quitté l’ombre de la Géante, une montagne magnifiée qui l’isole tout en la protégeant. Celle d’une femme découvrant l’amour, ses impatiences et son désir à travers la lecture d’une correspondance qu’elle intercepte, entre Maxim et Carmen, étranges personnages en filigrane. Celle de silences, de solitudes et de combats.

La nature grandiose, les émotions à fleur de peau et la poésie de cette superbe écriture toute en sensibilité m’ont captivée.

« Écrire, c’est crier sans bruit, cracher entre les lignes, aimer en secret, frissonner beaucoup. » Laurence Vilaine

Véronique

là ou chantent

Pendant des années, les rumeurs les plus folles ont couru sur "la Fille des marais" de Barkley Cove, une petite ville de Caroline du Nord. Pourtant, Kya n'est pas cette fille sauvage et analphabète que tous imaginent et craignent. A l'âge de dix ans, abandonnée par sa famille, elle doit apprendre à survivre seule dans le marais, devenu pour elle un refuge naturel et une protection. Sa rencontre avec Tate, un jeune homme doux et cultivé qui lui apprend à lire et à écrire, lui fait découvrir la science et la poésie, transforme la jeune fille à jamais. Mais Tate, appelé par ses études, l'abandonne à son tour. La solitude devient si pesante que Kya ne se méfie pas assez de celui qui va bientôt croiser son chemin et lui promettre une autre vie. Lorsque l'irréparable se produit, elle ne peut plus compter que sur elle-même...

Beau récit poétique. Totale immersion dans une nature sauvage apprivoisée par l'héroïne.

M.-C.

 

pilleurs

« Les grosses balles de plomb claquent sur le bois de la chaloupe. Je prends conscience que j'ai de l'eau jusqu'aux chevilles.
Peu importe : c'est un voyage à sens unique.
Plonger, tirer, plonger, tirer...
Un choc sourd. Nous avons touché.
— Lancez les grappins ! À l'abordage ! »
Suivez les pas de Yoran Le Goff dans ce trépidant roman d'aventures où espionnage intergalactique se mêle à la flibuste du XVIIè siècle, et à ses marins gouailleurs !

Ces histoires de flibusterie avec interférences d'un futur lointain sont prenantes. Action, suspense ! J'ai apprécié ce texte. Il n'y a pas de temps morts. Un régal de lecture.

P.G. 

starlight

Quand Franklin Starlight ne s'occupe pas de sa ferme, il part photographier la vie sauvage au coeur de l'Ouest canadien. Mais cette existence rude et solitaire change lorsqu'il recueille sous son toit Emmy et sa fillette Winnie, prêtes à tout pour rompre avec une existence sinistrée. Starlight emmène bientôt les deux fugitives dans la nature, leur apprend à la parcourir, à la ressentir, à y vivre. Au fil de cette initiation, les plaies vont se refermer, la douleur va laisser place à l'apaisement et à la confiance. Mais c'est compter sans Cadotte, l'ex-compagnon alcoolique d'Emmy, résolu à la traquer jusqu'aux confins de la Colombie-Britannique. Dans ce roman solaire et inspiré, on retrouve Frank, le héros désormais adulte des Etoiles s'éteignent à l'aube.

C'est une magnifique histoire ! Je recommande vivement aux personnes qui sont touchées par ce que la nature peut permettre aux Hommes, en terme d'apprentissages, de confiance en soi et en la vie. Ce roman a été bouleversant pour moi !

Candice

 

sortie hono

La guerre d'Indochine est l'une des plus longues guerres modernes. Pourtant, dans nos manuels scolaires, elle existe à peine. Avec un sens redoutable de la narration, "Une sortie honorable" raconte comment, par un prodigieux renversement de l'Histoire, deux des premières puissances du monde ont perdu contre un tout petit peuple, les Vietnamiens, et nous plonge au coeur de l'enchevêtrement d'intérêts qui conduira à la débâcle.

Eric Vuillard continue son entreprise d'exploration de notre Histoire avec ce qui fait désormais sa marque de fabrique : la concision. Son style est reconnaissable, caustique et raffiné, mais les sujets sont si graves que le raffinement est ici une arme, patiemment aiguisée, longtemps restée dans son fourreau, le temps qu'il fallait pour étudier ses cibles, lire toute la documentation les entourant, et ne rien laisser au hasard. L'auteur plane au dessus d'une période sombre puis resserre la focale sur un évènement, un personnage, ses attitudes les plus triviales, afin de montrer le côté humain de cette histoire, même s'il s'agit plutôt de monstres à visage humain. L’auteur digresse parfois, remontant la lignée de telle personnalité, narrant ainsi l’endogamie caractéristique des tribus de la grande bourgeoisie. Mais s’agit-il d’une digression ou d’un détour pour revenir au centre, à la destination de son œuvre ? Je vous invite à lire ses autres ouvrages pour avoir la réponse.

Olivier

entre ciel et erre

Autour de 1900, en Islande, Bardur et un garçon quittent au cours d'une nuit polaire leur fjord pour pêcher en haute mer le cabillaud. Malheureusement, Bardur, absorbé par la lecture du chef-d'oeuvre de Milton "Le paradis perdu", oublie de se couvrir et meurt de froid. Son compagnon commence alors un périple dangereux pour restituer l'ouvrage à son propriétaire, un capitaine aveugle.

Chef d'oeuvre littéraire sur les pêcheurs d'Islande, une oeuvre très poétique.

Un lecteur

 

traverser

On traverse des foules toute sa vie, pour ne pas se perdre ou perdre des morceaux de soi. Je traverse la foule comme on traverse la vie, je contourne. Un jour comme un autre de décembre, Dorothée se confronte à l'indicible : le suicide de son mari, qui la laisse seule avec deux petites filles face à un gouffre d'incompréhension. Tout ce qui entoure la mort est pénible, long, compliqué. Il faut attendre, répondre à des questions. Mais le deuil donne aussi le droit de s'affranchir des conventions. Dorothée veut qu'il éclate à la face du monde, elle veut rester qui elle est, une femme qui jouit. Pas seulement une veuve et une mère, mais une femme libre avec son imaginaire et son grain de folie. Alors, passés le choc, la colère et la douleur, elle prend ses émotions et ses enfants sous le bras, qui l'épuisent et la comblent. Les fantômes, elle les brûle. 

Ce roman est une véritable leçon de vie. Cette femme, mère de deux toutes petites filles, aurait pu se laisser porter, se laisser sombrer, se laisser avaler par l’horreur de la situation qui lui est tombée dessus sans prévenir. Mais non, Dorothée a choisi de traverser la foule, et de le faire avec panache et folie. Entre humour et désespoir, malheur et jouissance(s), elle nous embarque avec elle, et c’est pour le mieux.

Audrey